Devenir un grand cru
- Maeva FAU
- 11 mai 2023
- 4 min de lecture
On est le 10 Mai. Je répète nous sommes le 10 Mai. ALORS hormis le fait qu'il y ait soirée Bottega demain soir au Chiringuito, nous sommes aussi à moins d'un mois de mes 30 ans.
On parle d'un CAP, que dis-je un PIC, que dis-je une PENINSULE... (Eh ouais je connais Cyrano de Bergerac, y'a quoi !). Pourquoi 30 ans serait plus difficile que chaque année que tu te ramasses dans la tronche, à la même date, sans trop de surprise, qui te rapproche toujours plus de la fin que du début... ? Est-ce que c'est parce que si on suit les statistiques actuelles, tu as vécu 1/3 de ta vie,... déjà...! Du coup est-ce le temps des bilans, l'équivalent de la vidange pour ta Peugeot 307 ? (l'image que j'ai en tête me donne moyenou envie). Parce que finalement si on réfléchit un peu, n'est-ce pas le moment de la maturité, de l'assurance, du raffinement, tel un Châteaux Margaux qu'on aurait mis à la cave pendant 15ans en attendant de le sortir pour une occasion spéciale ? (Je vous rassure, ils me jetaient des restes de nourriture pendant tout ce temps).
Alors oui, la question du vieillissement, c'est problématique, ça fait vendre, ça fait parler, ça fait mal dormir (ah non ça c'est les cuites que je ne supporte plus). Et ces questions là arrivent d'un COUP, hier tu as encore 21 ans et tu rigoles en titubant et trinquant avec tes potes en disant "Eh dire que je suis majeure aux Etats-Unis !" (Alors que t'as jamais mis un pied en dehors de Clermont-Ferrand). Mais tu es tourné vers l'avenir, ton futur est loin mais si vibrant. A 30 ans, dois-je vous rappeler la seule chose qui reste vibrante...? (Tu l'as Jean-Sébastien ? C'est bon ?). Et plus les bougies s'alignent sur le gâteau, plus toi tu vois ton courrier s'alimenter de "rappel dépistage cancer du sein", "soyez béni, pensez à la coloscopie" et j'en passe... On tombe dans une dimension si anxiogène qu'on se demande s'il ne fallait pas y rester à la cave encore un peu.
Et si en plus de cette vision de l'horreur, tu as le malheur d'être née sans baobab entre les jambes, tu subis les tumultes de la société qui pense que tu devrais déjà avoir le labrador, Lily-rose et Gabin, et un mari dans la finance (ne m'en voulait pas pour l'ordre). Alors que toi, ça t'arrive encore parfois de "jeter des cacahuètes en l'air" en guise de repas (BON, ça m'arrive moins souvent maintenant, mais faites pas les macs ça a dû aussi vous arriver !).
Alors que si on réfléchit bien, est-ce qu'on ne se préfère pas à 30 ans qu'à 21 ans ? Perso, je vous épargne les photos souvenirs, mais rien que sur le physique moi je suis gagnante. Mais surtout, je me sens libre. ALORS en partie parce qu'il n'y a plus personne pour me crier "MAE, VIENS METTRE LA TAAAAABLE", c'est vrai. Mais pas que. Parce que je ne m'excuse plus. Parce que je n'ai plus honte d'être Moi. Parce que je ne cherche plus à trouver ma voie, mais à bâtir des marches pour continuer d'avancer sur celle-ci en courant. Parce que je suis toujours autant curieuse mais que j'apprends à faire le tri dans tous les débats houleux. Je suis aussi forte en bouche qu'un Angelus 2015, l'amertume en moins. Parce que mes unités de vie, ne se comptent pas en caudalie mais en amis. En personnes droites, présentes et aimantes qui me remplissent de joie à chaque occasion.
Je ne suis pas bouchonnée, peut-être un peu fêlée, mais j'ai eu 30 ans pour comprendre que chaque instant est unique. Qu'il ne se présente pas deux fois, et que le cadeau le plus précieux que l'on puisse faire sur cette Terre, hormis une grande bouteille, c'est son temps.
Alors oui, le mien devient compté. Mais est-ce que ce n'est pas cela aussi qui fait la rareté, qui fait la gaieté et cette spontanéité. Je ne vous dirais pas que l'âge n'est qu'un chiffre, mes cheveux blancs sont là pour me rappeler qu'il faut que j'arrête de lire les conneries de GALA magazine. Mais je crois, que même si parfois je souhaite arrêter le temps, je suis soulagée de voir que celui-ci est devenu un allié, à force de patience. Qu'il est là pour m'apaisée, pour me rappeler que tout ne va pas si vite. Que chaque étape me rapproche un peu plus d'une vie heureuse, remplie de rire et d'yeux qui brillent.
Finalement l'ivresse de la vieillesse, c'est ça qui en fait un grand cru. On ne se force plus, on crache aussi quand on en a marre (vous faites pas ça vous ?). On a eu 30 ans pour apprendre à nous connaître, et il faut à minima ça. 1/3 de vie pour apprendre à s'aimer, à s'apprivoiser...pour certains ça sera plus long (ne me chauffez pas, j'ai déjà des noms). Mais la norme n'est faite que pour être contournée, la trentaine, finalement, c'est juste un "3" et un "0" côte à côte. Ça fait peur à qui ça ? A part, à ton banquier quand il se rend compte que c'est ce qu'il te reste sur ton compte au 6 du mois...?!
Vieillir comme un bon vin, ça, ça me plaît. La température de conservation en moins. (j'aurais pas pu, j'aime trop le soleil). Mais j'aime l'idée de ne sortir que pour de grandes occasions, ou de faire que chacune le devienne. D'être le piment sur une belle entrecôte, ou le sel qu'il manque sur un grand plat. Le fait que les gens t'apprécient plus pour tes petits défauts que tes qualités. Que tu les marques par ta couleur, par ta lumière, qu'ils essaient de se rappeler si tu leur rappelles une nuit d'été, ou une après-midi en chalet. Finalement avoir 30 ans, c'est pas maintenant, c'est bientôt. Mais je t'attends.
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